mercredi 31 octobre 2018

Voyage en Martinique - 2e partie : le nord de l’île

Suite de l’épisode précédent en Martinique ! Pour la deuxième semaine dans cette perle des Antilles, nous avons quitté le sud pour rejoindre le nord de l’île, une région franchement différente et connue pour sa forêt tropicale et son relief volcanique (la fameuse montagne Pelée). Bien que la Martinique soit surnommée l’île aux fleurs, c’est avant tout ici le vert qui prédomine. Les épisodes de pluie viennent grandement renforcer les teintes de ces somptueux paysages. C’est absolument magnifique ! Les routes s’enfoncent dans une nature exubérante, la célèbre route de la Trace, tout particulièrement, bordée pendant des kilomètres de lianes et d’arbres géants. Dans le même coin, parce qu’elle était nettement plus étroite, la petite route D1 de Fonds-Saint-Denis en direction de Trinité est encore plus impressionnante ! Et les conseils de ma fille en rôle de copilote étaient super précieux. 
La région de Fonds-Saint-Denis

Côté hébergement, nous avons séjourné dans un des deux bungalows de la Location Bleu Mandarine, gérée par un jeune couple très accueillant, au Morne des Cadets tout près de Fonds-Saint-Denis. Christelle est originaire du village de Morne-Rouge, situé tout à côté et Loïc, de Bretagne. J’ai beaucoup marché dans le coin et j’ai été à même de constater que les pentes étaient raides, même très raides ! Avec des routes à 25 % parfois ! Ce qui est clair, c’est que lorsqu’on est dans le nord, les vues extraordinaires sur la montagne Pelée et les flancs des Pitons du Carbet vous font oublier les magnifiques plages du sud. Je vous assure, on est réellement dans un autre monde… 




Au hameau du Morne des Cadets, nous nous trouvions aussi juste à côté de chez Tonton Léon, un agriculteur qui a été l’initiateur du premier programme d’agrotourisme sur l’île. Visionnez ce petit reportage de l’émission Des racines et des ailes sur son jardin créole…

Location Bleu Mandarine au Morne des Cadets


Mes souvenirs et coups de cœur dans le nord :

- Le somptueux jardin de Balata où on est affolé par le nombre considérable de variétés de palmiers, de fleurs tropicales, de bambou

- La vue le matin de bonne heure sur la montagne Pelée, dont le sommet se cache rapidement dans les nuages

- Le marché de St-Pierre et les grands-mères qui sortent de chez elles avec leurs magnifiques et larges chapeaux

 - Le littoral assez sauvage. À l’anse Céron, après le port de pêche du Prêcheur, face à une mer houleuse, nous avons quasiment eu l’impression de nous être transformés en Robinson Crusoé

- La rhumerie Depaz et sa magnifique allée de cocotiers

- Le plat à la sauce chien préparé par Christelle au bungalow. Succulent !


Nous n’avons malheureusement pas pu nous rendre à Grand' Rivière à l’extrémité nord mais il n’y a paraît-il pas grand chose à faire. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle les amateurs de tranquillité vont là-bas. Pas de halte non plus à Fort-de-France bien que le marché aux épices est un des plus importants de l’île et que j’aimerais surtout y retourner à l’époque du carnaval (qui a eu lieu malheureusement 15 jours avant notre passage). La tradition du carnaval comporte tout un tas de significations en lien avec la période de l'esclavage et la colonisation ou aux rites religieux et mystiques (jours gras, rites de descendants d'esclaves africains, etc.). De cette capitale de la Martinique, nous avons découvert, sur la route, le quartier populaire de Trenelle où les maisons accrochées aux pentes d’un morne me rappelaient les descriptions de Patrick Chamoiseau dans son roman Texaco (livre que je vous recommande absolument si vous ne connaissez pas).

Seule déception : la presqu’île de la Caravelle sur la côte Est qui, il est vrai, nous avons découverte sous la pluie. Elle est pourtant recommandée dans les guides (trois étoiles dans le guide vert Michelin).

>>>  Consultez mon album photo de la Martinique (2e semaine)

Des références avant de partir en Martinique ou aux Antilles : 

Quelques livres… 

La poésie d’Aimé Césaire
Le roman Texaco de Patrick Chamoiseau (prix Goncourt en 1992)
Poèmes, essais et romans d’Édouard Glissant
Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon
Quelques guides touristiques

Infos générales

Le Guide du Carnaval (histoire, tradition et significations)
Comité martiniquais du tourisme
France TV 1re Martinique
RCI Antilles

Côté cuisine (...car j'adore les saveurs des Antilles)

Dans cette vidéo, 10 conseils pour des accras toujours réussis...






Quelques reportages 




samedi 13 octobre 2018

Voyage en Martinique - 1re partie : le sud de l’île

L’hiver n’est pas encore à nos portes mais aujourd’hui, je vous emmène en Martinique. Vous avez sûrement entendu parler de cette île magnifique au milieu des Caraïbes mais combien y sont déjà allés ? Sûrement très peu, vraiment trop peu. Considérée souvent comme trop éloignée et trop chère, comparativement à des destinations comme Cuba ou La République dominicaine, l’île a pourtant beaucoup à offrir et est bien loin d'être le paradis des forfaits tout-inclus. On y trouve notamment beaucoup de petits logements, style appartements, bungalows ou chambres chez l’habitant qui permettent de se rapprocher de la vie locale et des Martiniquais (des gens en passant extrêmement chaleureux). Pour bien profiter de ce paradis, il est essentiel de bien préparer son séjour et de savoir se débrouiller. Louer par exemple une auto pour parcourir les magnifiques routes de l’île ou faire les petits marchés pour cuisiner et goûter aux saveurs locales. La préservation de sa culture riche et encore bien vivace, ses bons petits plats, ses choix de rhums et d’épices et le contact avec la nature font partie de ses nombreux attraits. J'ai effectué ce voyage avec ma fille de 16 ans et elle est déjà prête à y retourner !

Les Anses d'Arlet

1re partie : le sud de l’île 

Durant notre vol de Montréal à Fort-de-France, j’ai pu d’abord constater que le chapelet d’îles que forment les Antilles sont de véritables confettis. Et quand il y a de terribles ouragans qui secouent la région, je n’ai pas peine à imaginer l’isolement que leurs habitants doivent ressentir ! Une fois à terre, l’île ne semble guère plus grande que vue du ciel mais je me suis rapidement rendu compte que nous n'allions pas nous ennuyer. À peine sorti de l’aéroport, la petite voiture louée chez GD location était déjà en vue. Au volant, la très charmante Ama nous a accueillis et expliqué deux ou trois choses importantes avant de partir (en Martinique, il faut notamment rendre la voiture super propre au terme du séjour et quand je dis super propre, c'est super propre). La clé dans le contact et les lunettes de soleil sur le nez, j’ai donc filé, accompagné de ma fille, directement vers le sud pour aller à Rivière-Pilote, un joli petit bourg qui a gardé tout son charme et son authenticité. Il se trouve qu’il a aussi sur son territoire une des plus belles plages de l’île, l’Anse Figuier avec son eau turquoise et ses poissons tropicaux. Cette plage est absolument magnifique ! Le dimanche, il y a parfois de grands rassemblements familiaux. On y croise aussi de nombreux retraités français qui séjournent en hiver plusieurs semaines ou plusieurs mois sur l’île et qui passent leur temps entre la pétanque, le ti-punch et la dégustation de délicieux sorbets coco. Moments de plaisir assurés ! 

 A Rivière-Pilote, nous avons préféré nous éloigner du brouhaha de la plage et choisir un hébergement authentique dans un milieu rural. Chez Flora Germain, une retraitée particulièrement active et engagée, avec laquelle j’ai pu longuement échanger sur la poésie d’Aimé Césaire ou discuter de sujets brûlants comme l’esclavage. Elle est présidente de l’A.D.P.K.M., une association culturelle martiniquaise. Au moment de notre passage, elle était en train d'organiser un voyage de groupe sur des lieux de mémoire de la traite négrière : Nantes, ma ville de naissance qui a un honteux passé de port négrier et l'île de Gorée, grand centre de commerce d'esclaves sur les côtes africaines. Fruit également du hasard, elle a un de ses fils qui est musicien et qui vit à Montréal ! Son gîte chez l'habitant est très simple et dépaysant. Avec en prime, pour ambiances sonores, le chant des coqs le matin et les bruits nocturnes de la forêt tropicale.


Mornes couvertes de champs de canne à sucre et de bananeraies

De Rivière-Pilote, nous avons pu rayonner la première semaine dans tout le sud de l’île jusqu’à l’est. Parmi mes coups de cœur :

 - La savane des esclaves aux Trois-îlets, un village reconstitué de cases et d’habitations traditionnelles où vous découvrirez la vie d’autrefois des Martiniquais. Ce lieu de mémoire dispose aussi d’un fabuleux jardin médicinal où on retrouve une variété d’arbres et de plantes locales dont les appellations en créole paraissent beaucoup plus imaginatives que celles en latin (A-tous-maux, Fleurit-Noël ou la célèbre Doliprane, l’équivalent français du Tylénol…vous l’aurez compris, la plante idéale pour soulager notamment les maux de tête). A noter que la visite guidée est passionnante.

- Le parc immense de l’habitation Clément où vous pourrez faire d’une pierre plusieurs coups en allant visiter ce site patrimonial et déguster le rhum de la propriété. La Fondation Clément accueille aussi d'incontournables expos d'art contemporain.

- La plage de L’Anse-Michel au Cap Chevalier. Quoi dire de plus ! Un lieu paradisiaque même si de ce côté de l’île, l’océan est parfois tourmenté. Ne pas manquer Le Cocotier, une petite cabane qui offre à manger le midi à deux pas de votre serviette et c’est super bon. Poulet Colombo et poisson entre autres au menu.
La savane des esclaves

- La plage de l'Anse Figuier à Rivière-Pilote. La plus belle plage du sud de la Martinique selon moi.

 - La route vers le Cap Diamant avec une journée aux Anses d’Arlet, un autre village antillais authentique qui apparaît sur pas mal de cartes postales.

- Le bourg de Ste-Anne. J’avais lu que c’était très touristique mais franchement, cette petite ville a quand même gardé tout son charme. Côté farniente, il y a la Grande Anse des Salines (une des plus célèbres plages de l’île) mais après s’être prélassé à l’Anse Figuier ou l’Anse Gros Raisin, je l’ai trouvée moins agréable. En soirée, dans une ruelle du centre, les connaisseurs s’attablent dans une ruelle chez Lamartine, un minuscule bar toujours bondé où on sert ti-punch et accras. Nous avons également soupé un soir à la Cour créole et le porc au caramel était divin !

- Le milieu rural et les mornes autour des villages de St-Esprit et de Rivière-Pilote


 >>> Consultez mon album photo de la Martinique (1re semaine)

Restez connecté à mon blogue car dans mon prochain billet, je vous raconte la deuxième semaine de notre voyage en Martinique. Je vous emmène cette fois-ci dans le nord, région volcanique et humide couverte de forêts tropicales. On parle aussi de quelques références incontournables si vous vous intéressez à la culture martiniquaise.

Les marchés (ici celui de Rivière-Pilote)





mercredi 10 octobre 2018

Quand l’art et la contestation s’exposent à la Galerie de l’UQAM

Je ne sais pas si vous êtes de mon avis mais la Galerie de l’UQAM me semblait le lieu tout indiqué pour accueillir Soulèvements, une exposition transdisciplinaire consacrée à l’art et la contestation. L’UQAM est comme on la présente souvent, l’université du peuple, l’université où on se passionne pour les enjeux sociopolitiques. Après une bonne tasse de thé et mon cours hebdomadaire de yoga, je me suis rendu là avec l’idée de ne pas être trop survolté et révolté par l’actualité. Contre Trump, contre le racisme, contre les injustices, contre l’espèce de fou en auto qui venait de frôler mon vélo. Fiou, avant de vous donner mes impressions, respirons profondément ! 

Pour commencer, quand je suis entré dans la Galerie, il y avait toute une classe d’étudiants en art qui étaient assis par terre en train de plancher. Je ne sais pas s’ils étaient en train de reproduire quelques-unes de ces œuvres ou s’ils tentaient de s’en inspirer mais ils avaient l’air vraiment à leur affaire. De quoi filer quelques complexes ! Donc, je vous avertis que dans ce premier billet, vous n'aurez pas forcément l'analyse d’un grand spécialiste mais néanmoins celle d’un véritable amateur d’art contemporain. Vous allez d'ailleurs pouvoir vous en rendre compte avec ce blogue, je me passionne pour pas mal de sujets et j'ai bien hâte de vous faire partager mes coups de cœur en ce qui concerne mes sorties culturelles, mes voyages et bien d'autres choses encore. 


OAS. Fusillez les plastiqueurs. Raymond Hains, 1961
Pour revenir à l'expo, je n'hésite pas à vous conseiller d'y aller car la première impression que j'ai eue devant ces œuvres, c'est de comprendre immédiatement l’importance des mots et des images dans les luttes sociales et politiques ; en particulier, les désirs, les émotions, la force et l’imagination qui poussent les peuples à « se soulever », l’implication des artistes dans la prise de parole et les figures qu’ils donnent de ces luttes. En les contemplant, on a quasiment envie d’avoir une âme de révolutionnaire comme si on devenait un peu acteur de ces scènes en plus d'être spectateur. 

Les représentations artistiques que l’on découvre sont vraiment disparates (photos, peintures, vidéos, dessins, manuscrits, gravures, collages…). Ce sont des mouvements de résistance qui ont lieu ou ont eu lieu un peu partout dans le monde et à différentes époques. Entre autres, des mouvements étudiants (Allemagne, Québec), des conflits sociaux et grèves syndicales (Mai 68), des protestations antiracistes (Black Panther, Idle no more) ou divers phénomènes d’insoumission (Printemps arabe, révolte des Républicains dans l’Espagne franquiste, luttes contre des régimes d’Amérique latine). À chaque fois, des foules en lutte pour une cause ! Comme je vous disais, les raisons de se révolter ne manquent pas. 

J’ai trouvé les affiches de la série Bocanada de l’argentine Graciela Sacco et l’œuvre Livro de Carne du brésilien Artur Barrio assez dérangeantes. Graciela Sacco montre en effet des photos de bouches grandes ouvertes en plan resserré et répétitives où elle essaie de nous interpeller face aux injustices et aux problèmes de son pays. Dans ce cri sourd, ces images inquiétantes, c’est la peur et l’impossibilité de s’exprimer que l’on ressent. L’œuvre d’Artur Barrio nous incommode également car il imagine un livre d’histoire comme tiré de la chair même du peuple brésilien. Il y a quelques images comme ça et d’autres qui paraissent plus conventionnelles. 


La série Bocanada, Graciela Sacco, 1993-2014

Certaines œuvres présentées sont anciennes comme ces couvertures réalisées par le célèbre Man Ray au début du 20e siècle pour un journal dédié aux sciences sociales et à la littérature. Si vous appréciez tout comme moi l’art de l’affiche publicitaire et la typographie, vous aimerez aussi les trouvailles lexicales et les collages de Raymond Hains. Dans une affiche déchirée et réalisée au début des années 60, ainsi que dans d’autres, il dénonce avec force la guerre d’Algérie. Le slogan OAS = SS/Fusillez les plastiqueurs, écrit en rouge et noir sur fond orange, est en particulier assez percutant ! Parmi les œuvres québécoises et canadiennes qui ont été intégrées à l’expo, il n'était pas question d'oublier non plus les luttes que nous avons eues ici, avec notamment une photo du photojournaliste Jacques Nadeau prise lors des manifestations étudiantes de 2012 ou bien des extraits du célèbre poème Speak white de Michèle Lalonde. J’ai bien aimé Soulèvements car cela rejoint mon intérêt pour l’art et la politique. L'expo est présente à la Galerie de l'UQAM jusqu’au 24 novembre. 

Si cela vous intéresse, je vous invite à visionner quelques clichés
pris lors de ma visite : 
https://bit.ly/2zUR5JC

L’exposition 

Amorcée en 2016 au musée du Jeu de Paume, à Paris, l’exposition Soulèvements a déjà été présentée dans plusieurs autres villes du monde (Barcelone, Buenos Aires et Mexico). Elle a été conçue par le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman, commissaire de l’exposition. 

La présentation de Soulèvements à Montréal est une réalisation de la Galerie de l’UQAM avec la collaboration de la Cinémathèque québécoise. Un ensemble d’activités publiques (visites commentées, colloque, conférences, présentation d’artistes) et une série de films sur diverses luttes sociales sont également à la programmation. Un catalogue de l’exposition est aussi édité. 

>>> Exposition Soulèvements
>>> Texte du commissaire de l'exposition
>>> Galerie de l'UQAM